Les négociations fédérales n’ont pas réellement démarré. Mais, si Bart De Wever doit encore travailler au corps plusieurs des partenaires potentiels de la coalition “Arizona” (N-VA, MR, CD&V, Vooruit, Les Engagés), il a déjà transmis aux présidents de parti une note de départ. Que peut-on y lire ? Son contenu a fuité dans plusieurs médias flamands. Un gouvernement pour 5 ans, a priori…
Le premier constat est politiquement important et met en lumière un changement d’attitude de la part de la N-VA : Bart De Wever n’évoque plus son projet initial de mettre sur pied un gouvernement d’urgence de deux ans, devant travailler en priorité sur l’équilibre budgétaire tout en planchant sur une grande réforme institutionnelle.
En effet, les élections du 9 juin ont redistribué le jeu politique. Le “mini-gouvernement” que la N-VA imaginait reposait sur l’hypothèse que le PS resterait au pouvoir. Or, le triomphe des Engagés et du MR ouvre la voie à une nouvelle majorité plus cohérente, permettant de réformer le pays selon une logique de centre-droit. Sauf accident de parcours, la probable coalition “Arizona” devrait durer cinq ans. À lire aussi Bart De Wever, bientôt Premier ministre ? Les astres s’alignent
Indirectement, ce changement signifie peut-être aussi que la N-VA a revu à la baisse ses ambitions institutionnelles. La durée de vie limitée du gouvernement d’urgence que Bart De Wever imaginait avec le PS était liée au fait qu’il comptait rapidement faire chuter le gouvernement en cas d’absence de réforme de l’État.
Selon nos confrères du Standaard, l’exécutif “arizonien” devrait par ailleurs être au pain sec et à l’eau. La future équipe ministérielle sera réduite. C’est logique puisque, par rapport à une Vivaldi composée de sept partis, l’Arizona n’en comptera que cinq. La dotation des partis politiques devrait également être revue à la baisse via le mécanisme (relativement doux) de la non-indexation. Suppression du Sénat
Un point de la note de De Wever pourrait déranger le MR. En effet, le leader nationaliste reprend l’idée d’une suppression du Sénat. Or, Georges-Louis Bouchez, à plusieurs reprises, s’est prononcé en faveur du maintien de la chambre haute du parlement fédéral. Quitte à faire évoluer son rôle. Voilà un élément qui pourrait opposer le président du MR au préformateur, même si cette question ne semble pas suffisamment sensible pour compromettre la possible “Arizona”.
Sur la très délicate question du budget des soins de santé et sur les éventuelles économies qui pourraient y être réalisée, le texte envoyé par le préformateur aux autres présidents de parti est volontairement imprécis : la norme de croissance du budget de la Santé sera revue à la baisse. Point. On n’en saura pas davantage. La porte est donc laissée ouverte à de futures négociations sur la question. Vooruit, Les Engagés et le CD&V ont déjà annoncé qu’ils n’accepteraient pas des économies drastiques dans ce département.
“L’ambiguïté stratégique” de la note de De Wever
La note de De Wever est tout aussi évasive sur la limitation dans le temps des allocations de chômage ou sur la future réforme fiscale. On sait que Vooruit demande un impôt sur les grandes fortunes, ce qui aura du mal à passer chez ses potentiels partenaires de la majorité “Arizona”.
Enfin, la N-VA semble vouloir augmenter la contribution budgétaire de la Belgique au sein de l’Otan, mais le document transmis par Bart De Wever ne donne pas de chiffres précis. C’est de “l’ambiguïté stratégique”, comme on dit dans les techniques de négociations : ne pas compromettre les chances d’obtenir un consensus en imposant d’emblée des données trop précises aux autres… Rousseau dézingue la note De Wever
On le voit, Bart De Wever n’a pas pris de risque de sa note. Elle reste “exploratoire”, indiquant que les esprits n’étaient pas encore suffisamment prêts pour déclencher la phase de formation gouvernementale. La preuve ? Jeudi, Conner Rousseau, qui est candidat à son retour à la présidence de Vooruit dans le cadre d’élections internes, s’est montré très dur à l’égard du projet “Arizona”. “Si on parle d’une coalition de centre-droit, Vooruit n’y a pas sa place”, a-t-il rappelé. Selon le socialiste flamand, les points que sa formation politique juge importants ne sont que vaguement formulés dans la note de De Wever. Conner Rousseau réclame notamment plus de clarté à l’égard de la taxation des grosses fortunes.
Pour rappel, le préformateur a reçu deux semaines pour agir avant de présenter un nouveau rapport au roi Philippe.